L’Auberge du Jeu de Paume

Le restaurant gastronomique dont nous allons parler s’appelle en réalité La Table du Connétable, et il se situe dans une Auberge qui n’a rien d’une maison de passage pour voyageurs harassés par la fatigue. Au contraire, avec sa situation idéale au nord de Paris dans le Domaine de Chantilly, elle aurait plutôt tendance à accueillir des voyageurs déjà bien reposés après un séjour parisien, et qui sont sur le chemin du retour vers l’aéroport, voire encore des adeptes de sports hippiques.

il est bon de ne pas avoir à supporter un barbu sur ses genoux à chaque commande

C’est là que nous sommes donc allés rendre visite à Clément Leroy, l’ancien acolyte de Guy Savoy le chef triplement étoilé, sur son nouveau lieu de travail, histoire de voir ce qu’il lui a pris de s’évader ainsi, dans un cadre où règne un calme qui incite davantage à la contemplation qu’à la fièvre du coup de feu.

Le calme discret de la bourgeoisie

Une fois passés l’entrée de l’hôtel et un dédale de larges couloirs, on découvre une grande pièce à l’atmosphère feutrée et à la décoration atone, où on l’on peut entrapercevoir en fond de salle le sobre ballet de la brigade qui finit le dressage des plats avant le service.

Ici, n’espérez pas le grand spectacle des serveurs au rituel chorégraphié, une certaine idée de la cuisine bourgeoise domine chaque brin de moquette de l’Auberge du Jeu de Paume, si épaisse soit-elle. Un peu froid, estimeront certainement quelques fines gueules trop habituées aux familiarités débordantes de la bistronomie parisienne, mais il est aussi bon parfois de ne pas avoir à supporter un barbu sur ses genoux à chaque commande !

Haiku

La carte aussi, a cette même élégance taiseuse qui en impose sans en rajouter : « collection de tomates anciennes », « maquereaux brûlés radis rose », « saint pierre, jus court au balsamique »… Si le sonnet tourne au haiku, les plats sont néanmoins tout à fait habités. On sent le chef volontairement en retrait, préférant laisser la parole à aux produits plutôt qu’au verbe, ce qui peut paraître inhabituel à l’heure où le moindre passage furtif à la télévision donne la folie des grandeurs.

Mais c’est ce qui fait le charme intemporel d’une cuisine où le dressage n’est pas là que pour promettre des « likes » sur Instagram. Et c’est également pour cela que nous avons envie de recommander cette table réfléchie et sans flagornerie, une escapade salutaire pour tout parisien saturé, une vague raison pour se mettre au cheval, ou s’acheter un Barbour pour se promener dans la forêt, au choix en attendant que les étoiles tombent dans le panier de saison.