La Dame de Pic Raffles Singapore

Le Raffles de Singapour est sinon l’un des hôtels les plus renommés d’Asie, du moins le plus célèbre de la chaîne, de par son histoire ou son architecture coloniale, célébrées par Somerset Maugham, ou encore pour le Singapore Sling, cocktail inventé au Long Bar par Ngiam Tong Boon. Fermé en 2017 pour une profonde rénovation, le mois d’août 2019 vit sa résurrection avec une audace et une ambition renouvelées aux accents particulièrement français.

French connection

En effet, ce n’est pas seulement un mais deux ténors de la gastronomie française qui s’installent dans ce qu’on pourrait déjà appeler la nouvelle cour aux étoiles de Singapour : le BBR d’Alain Ducasse  et la Dame de Pic d’Anne-Sophie Pic. La parité est donc respectée ! Après avoir testé les tables de Paris et de Londres, ce fut donc un plaisir que de retrouver une ambiance familière aux antipodes qui ne se contente pas de reproduire ce qu’elle sert déjà ailleurs – il y a le McDo pour ça – mais qui épouse la culture locale avec des produits qui s’adaptent avec justesse.

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Terroir ou pas

En l’absence de terroir – Singapour n’est qu’une minuscule presqu’île détachée de la Malaisie -, c’est bien dans toute la région que la cheffe aux multiples étoiles a puisé son inspiration. Mais plutôt que de l’handicaper, les accents asiatiques que les variantes en épices ou en sources apportent un caractère tout à fait intéressant à des créations toujours en délicatesse. On connaît Anne-Sophie Pic pour une méticulosité farouche ,voire une subtilité à ne pas mettre dans toutes les bouches, et c’est cette finesse qui se trouve ici sublimée, à l’instar de ses fameux berlingots avec du fromage français en son cœur, mais surprenants par un consommé d’herbe de grâce et de verveine.

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De même déguster de véritables tomates gorgées de saveur est toujours un émerveillement, et voir arriver en fin de repas le fameux millefeuilles blanc agrémenté aux saveurs tropicales une belle retrouvaille.

Ivresse orientale

Sous les lustres imposants du Raffles nouveau, la carte des vins est à l’image de celle de la chère, notamment avec des accords au saké Human, ou l’introduction de vins de la région, tel cet étonnant vin blanc japonais, le Gris de Koshu, issu d’un cépage autochtone cultivé depuis plus de 1000 ans, à Yamanashi.

Que ce soit à Paris ou à Singapour, de la cuisine d’Anne-Sophie Pic, ici interprétée par Kevin Gatin, un ancien de Beaurivage, émane une lueur de bienveillance, qui fait qu’on n’en repart jamais la panse au bord de l’explosion, pas plus qu’on ne sera mort de faim quelques heures après. Comme une forme de Spa de la table aux vertus réparatrices, elle réconforte et réjouit. Sans excès. On a beau dire, même en tant qu’asiatique de naissance, il est possible d’applaudir des deux mains une si douce invasion.