Marc Meneau au Nomiya

Un déjeuner sur le toit du Palais de Tokyo en compagnie de Marc Meneau a le charme incongrue du mélange des genres. D’un côté la cuisine terrienne et sans concession d’un amoureux de la Bourgogne, de l’autre un cadre urbain dont la renommée de forfanterie et de tartufferie artistique n’est plus à faire. Fort heureusement, le Nomiya, une excroissance architecturale aérienne conçue par Laurent Grasso, financée par Electrolux, et habituellement dirigée par le chef Gilles Stassart, a cela d’atypique qu’il se laisse facilement dévorer par la lumière extérieure, la vue imprenable sur Paname et l’immensité du ciel, plutôt que d’accrocher l’oeil tel un minuscule nombril qui veut absolument rester le centre du monde.

Entre terre et ciel

Mais revenons au héros du jour, Marc Meneau, le chef de l’Espérance à Vézelay dont le nombre d’étoiles varie selon les décennies mais dont la conviction en sa région n’a jamais flanché. Que dire de ce départ tout en contraste avec une huître en gelée et ses deux cromesquis de foie gras ? De l’huître dans sa gelée d’eau de mer, simplement qu’elle est un peu grassouillette, en revanche du cromesquis, je vous affirme qu’il n’y en avait pas assez de cette croquette dont le foie gras explose littéralement en bouche au moindre coup de dent. Accompagné d’un verre de Chardonnay que le chef cultive lui-même, on ose le total look avec un frisson coupable.

Mêmes textures explosives avec les galets de pomme de terre au caviar dont le contenu se déverse sous la fourchette pour dévoiler ses précieuses entrailles. On est certes dans une forme de sophistication, mais elle clame fort sa vigueur. Marc Meneau l’a dit en début de repas : contrairement à son ami Gagnaire, il ne mélange jamais plus de trois saveurs dominantes.

La Terre et la Mer

On retrouve cette combativité dans le turbot rôti sur os à moëlle qui prend dans son four l’aspect agressif d’une créature préhistorique revisité par Giger. La transformation est aussi minimale que l’association originale, le jus de l’os à moëlle relever naturellement le turbot dont la texture est soulignée par ces accents. Marc Meneau aime équilibrer ce qui vient de la mer avec ce qui vient de la terre, il le prouve à nouveau avec cette composition et un très modeste Bourgogne du Domaine de la Cadette qui donne un peu de fruit, ce grand absent du repas.

Avec le quasi de veau au caramel amer et au tatin d’endives, on reste sur des notes puissantes, sublimées par le caramel qui apporte son onctuosité et sa chaleur, le tout élégamment accompagné d’un cresson aux saveurs contrapuntiques et de l’amertume du tatin. La transition se fait avec une tuile de parmesan, préparée par une véritable tuile et que l’on trempe délicatement dans une gelée de vin blanc qui présente les parfums des vins chauds, soient des pointes de cannelle ou encore d’anis étoilé.

La fin du repas me perd un peu car mon impression personnelle est que les douceurs inspirent moins le chef qui, à coups de gâteau aux pommes, de poires pochées ostensiblement accrochés à un « arbre de vie » ou de cidre, vient combler en urgence l’absence quasi-totale de légume ou de fruits. Au diable la diététique, a-t-on envie de lui crier, mangeons de la bête, et rien que de la bonne bête !

Atterrissage

A la fin de l’expérience, pas même une sensation de lourdeur en dépit des calories absorbés, mais une forte envie de weekend en Bourgogne qui se profile, tandis qu’on redescend sur terre devant les badauds transis d’admiration feinte devant une non-non (non-oeuvre de non-artiste) ou se pâmant avec l’intelligence d’une chèvre presbyte sur le dernier gadget tokyoite caché dans la boutique d’André. Décidément, on a plus de recul le ventre plein.

Nomiya
Palais de Tokyo
13, avenue du Président Wilson 75116 Paris
Tél. 01 47 20 00 29
http://www.art-home-electrolux.com/

L’Espérance de Marc Meneau
89 450 St Père en Vézelay
Tél. 03 86 33 39 10
Site Internet http://www.marc-meneau-esperance.com/