Cigares, le livre de Guillaume Tesson
Je suis incapable de faire la différence entre un cubain et un dominicain. Je ne sais pas non plus s’ils sont roulés sous les aisselles ou entre les orteils. Le tabac est-il blond, brun, auburn, noir gothique ou platine ? Encore une énigme. En revanche, je suis aussi incapable de résister de à l’envie de les saisir entre les doigts, les rouler, les renifler longuement avant de couper leur extrémité d’un coup sec, puis les téter.
Vous pouvez le constater, mon vocabulaire cigarologique est des plus limités, il est primitivement sensuel, voire binaire : j’aime, je n’aime pas, c’est bon, ce n’est pas bon. Quel cruel manque de sophistication. Mais rester dans l’ignorance m’est insupportable, et lorsque je ne sais pas quelque chose, j’ai pour habitude de questionner des autorités plus compétentes. Ceci dit, faites l’expérience d’entrer dans un fumoir parisien et vous comprendrez face aux mines patibulaires qui vous accueillent que vous mettez les pieds dans un club qui n’a pas besoin de vous. Franchement, les fumeurs français, vous ressemblez à une bande de vieux cons. Bien sûr ce n’est pas partout comme ça, faites un petit tour à Londres, vous constaterez qu’il est inutile de ressembler à un maquisard corse en fuite pour téter de l’ogive. Mais je m’égare.
Certains plaisirs ne sauraient se passer d’une forme d’éducation. On apprend, on teste, on aiguise ses sens. Fort heureusement pour moi, j’ai fait la rencontre par ce blog de Guillaume Tesson, journaliste passionné de cigares, qui m’a décomplexé. Qui plus est, il vient de sortir un livre, sobrement intitulé Cigares. Un élégant ouvrage d’ocre rouge vêtu, entouré d’une bague de cigare, qui vous dispensera les bases nécessaires pour mieux apprécier les épaisses volutes de plaisir qui se dégagent de ces mythiques feuilles. Jeudi soir à l’Atelier Berger, un bastion de résistance face à l’oppression démocratique d’une société qui aime à patiner dans sa merde, c’était son lancement. Au programme : des livres, des mojitos et des cigares bien sûr. Au passage, j’ai ainsi pu déguster un Pléiade petit Robusto, qui malgré un corps puissant se révèle plus léger qu’il n’y paraît, sans cet effet rassasiant que son aspect peut laisser présager. Une belle texture, des couleurs profondes, une consumation régulière de vieille berline, mais des saveurs presque féminines se lovent derrière son aspect macho. On devrait vraiment combiner plus souvent littérature avec alcool et cigare dans des lieux publics, c’est un cocktail d’une élégance rare.
Bref, je ne saurais que trop recommander ce livre à tout ceux qui, à mon instar, ont toujours voulu se pencher sur la question mais qui n’ont pas forcément eu le bon interlocuteur pour le guider. C’est complet, facile d’accès avec des belles photos de Luc Monnet et ça coûte deux cigares et demi !
Cigares de Guillaume Tesson
chez Hachette Pratique, 25€
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