Portraits de foodistas qui vous agacent
S’il est bon de profiter des fêtes de fin d’année pour s’accorder une petite pause – car tout le monde mange bien assez comme cela – la terre ne s’arrête pas pour autant. C’est pourquoi je vous propose quelques portraits ironiques d’amateurs de gastronomie pour agrémenter le dessert ou le Dom Pérignon. Attention, ce sont des parodies – pour rire – qui ne reflètent pas la réalité. Ou alors si peu. Si vous reconnaissez vous-même ou un de vos proches, reprenez du Dom P, ça ira mieux.
1. Le Foodingista
Lecteur assidu du Fooding, il a des grosses lunettes qui ne corrigent rien, une barbe, des pantalons trop courts et un vélo. Difficile de faire la différence entre le hipster et le Foodingista tant la question de la poule et de l’oeuf se pose. Il aime les vins naturels et les aliments de saison locaux parce qu’il a lu que c’était bon pour la santé et l’empreinte carbone, ne jure que par le Chateaubriand, Septime, Saturne et n’importe quel chef japonais qui pratique à Paris et pense que Bocuse était un chanteur lyrique du XIXème siècle. Vous aimeriez le féliciter pour son déguisement et son humour, mais il est sérieux, ce con.
2. Le Avantjétaisfashionista
Alors là, ce plat, il a-do-re. C’est su-blime. Vraiment. La main sur le coeur, il vous jure aux grands dieux qu’il vient de vivre une expérience unique avant de reposer son burger et de se prendre un selfie avec Instagram. Les yeux écarquillés comme après avoir vu la Vierge ou Lady Gaga passer, il vous parle des chefs comme de créateurs, d’artistes à l’imagination sans limite dont l’univers le fascine en permanence par sa poésie et la beauté. Parce que, lui, ce qu’il recherche avant tout, mais tout, vous comprenez : c’est la beauté et le goût. La cuisine pour lui, c’est “backstage en aftershow”, il faut juste remplacer Naomi ou Doutzen par Jean-Pierre le second et Grégoire le commis.
3. Le Blogculinairista
Monté fraîchement de son village pour le Salon des Pains Perdus après de nombreuses correspondances, incollable sur toutes les saisons Masterchef et Topchef, il est fermement décidé à tester toutes les tables que les candidats ont ouvert depuis, avec le secret espoir de leur serrer la main (même si tous ne peuvent pas) et se faire prendre en photo à leurs côtés. Ecrivain, photographe, styliste culinaire et Maïté dans l’âme, vieille fille à chats dans le physique, il connaît chaque ingrédient de chaque livre sans les avoir goûtés, et a commandé l’ensemble de sa cuisine de psychopathe sur Internet. Vous reprendrez un tranxene ou deux avant de vous réincarner en Teri Hatcher saison 6 après lui avoir parlé.
4. Le Journalista
Il a tout vu, tout goûté, tout vécu… et bon sang, vous l’auriez deviné à son embonpoint de guerrier de la fourchette et de sultan de la cirrhose. Il vient de signer le dernier livre d’un chef à cinquante étoiles et vous le dédicacerait bien mais vous lui demandez l’autographe du chef, alors il se vexe. Il travaille également à son propre livre sur les Frères Panini qu’il verrait bien en biopic un jour. Sans jamais savoir s’il est craint ou aimé, mais convié à toutes les grandes tables, seul sans ses amis, il mange, mange et mange comme un Shadock pompe, entouré de gens qu’il n’aime pas. Esprit critique, il vénère cependant sans réserve Thierry Marx car ce dernier fait du karaté.
5. Le Tralalajensuispastoi-ista
Impossible de savoir ce qu’il fait vraiment pour subvenir à ses besoins et financer sa vie de mangeur professionnel. Le ténia est partout, à toutes les ouvertures, sur tous les sites, sur tous les réseaux sociaux. Il tutoie Pierre, fait la bise à Alain, flirte avec Anne-Sophie, pince Bertrand et masse Inaki. Vous lui demandez si telle nouvelle table est bonne, il vous répond d’un air blasé qu’il était à l’inauguration, mais vous n’aurez jamais votre réponse. Il name-droppe plus vite que Lucky Luke ne tire, et vous avez intérêt à vous munir d’un bottin avant de l’approcher car il n’emploie que des prénoms pour désigner le gratin. A vous de remplir les vides. Ou pas.
traxi says:
Et Mr Lung il est quoi lui ?
mrlung says:
Un peu partout, je crois (et pas qu’en bien)
Kim Nhung says:
MrLung ? Aucun de tous ceux-là. Critique, caustique, pas dupe sur les modes, il a une qualité énorme : fan de cuisine asiatique, (comme moi). Et surtout, on ne la lui fait pas et il ne se prend pas au sérieux. J’adooooore ! Je peux vous épouser ? Kim Nhung
mrlung says:
Mais bien sûr ! Je demande à mon agent de vous contacter de ce pas 😉
karine says:
Bravo pour votre plume ! et pour ces portraits qui me semblent bien réalistes !! Bravo et Merci
Ivana says:
Pour toutes les questions relatives à la vie privée de l’auteur (mariage/divorce/reconnaissance d’enfants) ou sa possible participation à des évènements littéraires (Goncourt/Flore) je vous prie donc de bien vouloir me contacter, comme vous le pourrez.
Ivana de Rosnay
Adrien de Food in Paris says:
Je me suis marré, je me suis moqué et maintenant je suis embêté : je me sens Foodista malgré moi 😉 lol
jull says:
J’ai un pote serial quilleur et walking goinfreur qui a meme un bloub sur le sujet mais j’arrive à le caser dans aucune de ces categories!
Et finalement tant mieux, car je l’aime bien comme il est!
Thien Tu says:
Cher Monsieur,
Je vous lis quand j’ai pris du sommeil en avance, et je vous lis avant de tomber de sommeil aussi. Des mots justes, des critiques qui sont observatrices. Et surtout, pas de fautes qui fatiguent le lecteur. Merci pour la qualité et l’altruisme de vos partages ! Je vous demanderais bien en mariage aussi, mais j’ai déjà quelqu’un (ce qui en somme fait moins de travail à Ivana de Rosnay).
Exquis sont ces portraits, et ils tirent un trait définitif sur la question que me posent mes amis : mais pourquoi tu ne fais pas un blog ?
Parce que Mr Lung le fait si bien !
Menu Belleville says:
Excellent. Un régal de vous lire!
mrlung says:
Merci 😉
Fabrice says:
Excellent !
C’est bien de mentionner la catégorie « journalista », que je croise de temps en temps et que je fusionnerais bien avec la dernière catégorie.
Carmen Vazquez says:
J’adore ce genre de billets, c’est drôle, tenace, prennant, après c’est moins drôle lorsqu’on se reconnait dans certaines catégories! Foodista et ex-Fashionista malgré moi. Est-ce interdit d’aimer la mode et la gastronomie sans tomber dans un cliché du superficiel, même dans la forme dont la foodista/fashionista écrit une critique culinaire ?
Wai-Ming Lung says:
Ce genre de billet contient un peu de recul et beaucoup de mauvaise foi, on s’inclut volontiers dans certaines descriptions 😉